« Le vrai Amour est acceptation totale, il n´est pas condionnel. Alors acceptons d´être imparfait non pas par essence ou par naissance (cela va bien évidemment à l´encontre du judéo-christianisme!) mais par l´éducation. Cela est certainement difficile pour certains, car l´égo fort développé dont nous souffrons tous par instants ne peut supporter l´idée que nous ne soyons pas ce que les autres, les Egilises et les différents systèmes de pensée nous demandent d´être. Je conseillerai alors à ceux-là de faire preuve d´un peu plus de tolérance envers eux-mêmes, ce qui leur fera beaucoup de bien, ainsi qu´à leur entourage.
Quels sont les résultats d´une démarche de pardon initiée par le mental ? L´émotion reste entière, non vécue, enterrée au fond de notre être, bloquée par notre mental. Ce blocage sur lequel nous aurons mis une couche de pardon crée une tension qui peut entraîner des symptômes et des maladies, comme nous l´avons déjà souligné. Nous constatons que, au nom de règles mal comprises ou mal enseignées par des personnes de pouvoir, la victime va se retrouver non seulement victime de l´autre mais en plus d´elle-même, et tout cela au nom d´un pseudo-amour rimant avec soumission, perte d´identité et destruction.
Le vrai pardon.
Pour mettre en oeuvre le vrai pardon, dans un premier temps, il s´agit de se donner le droit d´avoir été blessé au plus profond de soi par l´insulte, les coups, l´acte ou le non-acte déclencheurs de la blessure ressentie. Cela signifie admettre qu´il y a une blessure provoquée par l´autre, reconnaître que nous ne sommes pas aussi forts que nous désirerions l´être, accepter que nous sommes vulnérables. Afin de parvenir à cela, il nous faut nous remettre dans le moment présent, ce corps physique et sensoriel va permettre de dresser un bilan complet des dégâts causés par la personne qui nous a blessés. Il est souvent difficile de franchir cette première étape. En effet, le mental va tout faire afin de minimiser les atteintes réelles, « oublier » certains dégâts ou en amplifier certains autres, juger telle ou telle autre chose, relativiser certains points et tout faire pour que ce bilan puisse rester dans les « normes » admissibles et acceptables pour le système auquel nous appartenons.
Brigitte, âgée de 32 ans, mariée, sans enfant, a été battue par son mari jaloux qui ne tolérait pas qu´elle ait pu danser trop longtemps avec un de ses amis. Sous l´emprise de l´alcool, la dispute a mal tourné et son mari en est venu aux mains avec pour résultat quelques hématomes et deux côtes cassées sur le plan physique et un choc important sur le plan psychique. Constatant les dégâts en tant que médecin, je lui ai demandé quel était à ses yeux le bilan qu´elle pouvait dresser de ce qui lui était arrivé. A mon grand effarement, le bilan de Brigitte, encore sous le choc, fut le suivant: « J´ai un peu provoqué mon mari en dansant avec un autre homme et j´ai peut être mérité ce qui est arrivé; certes les coups ont été inutiles et proviennent d´un être lâche et ayant perdu toute maîtrise, mais je m´en tire encore assez bien, car à un certain moment j´ai bien cru qu´il allait me tuer. » Nous retrouvons ici la difficulté à laquelle une personne peut être confrontée au moment de dresser un bilan complet des dégâts provoqués par un acte odieux tel que celui vécu par Brigitte. Le mental a pris le dessus avec son cortège de culpabilité, de jugements, de minimisations, de peurs; qui plus est, l´humiliation, la violence endurées n´apparaissent nullement dans le discours de Brigitte. Pour un peu ce qui est arrivé à Brigitte, qui a cru mourir à un certain moment est une preuve d´amour donnée par son cher et tendre mari qui a réagi selon les normes d´un homme macho blessé dans son amour-propre, acceptées par toute une frange de la Société… Bien entendu, Brigitte, reprenant ces « normes » ne peut avoir aucune compassion pour elle-même et cela se traduit par son discours, dans lequel aucune émotion ne transparaît.
Toute une partie du travail a été dans un premier temps d´aider Brigitte à dresser un bilan exact des dégâts; ce travail n´a pas été facile à réaliser, car les blocages, les peurs n´ont fait qu´apparaître tout au long de ce travail qui a duré plusieurs heures. Hormis les hématomes physiques et les côtes cassées, sont apparus progressivement la tristesse, la colère envers son mari, le fait qu´elle ne pouvait plus faire confiance à cet homme brutal avec lequel elle ne désirait plus faire l´amour et bien d´autres choses encore que Brigitte avait en elle, mais qu´elle préférait ne pas regarder « de peur des conséquences que cela pourrait avoir « sur son couple. Le mental jouait son rôle de façon brillante, aidé en cela par les paroles apaisantes de certains amis et membres de la famille minimisant ce qui était survenu, ainsi que par les excuses tardives de son mari.
Après quelques heures de consultation, Brigitte s´est enfin donné le droit d´avoir été profondément blessée par ce qu´elle avait vécu. Mais constater les dégâts n´est que la première étape qui peut mener au pardon, même si elle est essentielle. Dans un deuxième temps, il s´agit de se donner le droit de ressentir et de vivre les émotions liées à l´événement, à savoir la tristesse et la colère.
Nous avons vu qu´une émotion non vécue, c´est-à-dire non ressentie ou non exprimée, telle que la colère, va entraîner toute une kyrielle de maux pouvant mener à des maladies d´une gravité variable. Nous avons souligné que la grande responsable n´est pas l´émotion, mais le blocage du ressenti ou de l´expression de celle-ci par le mental. Nous avons aussi souligné que l´expression de l´émotion ne devait pas se faire en face de l´autre mais seul, afin de se faire du bien à soi-même, l´idée n´étant absolument pas de faire du mal à l´autre. Par contre, l´expression de cette émotion doit être totale et complète. ce qui revient à dire que si la colère, par exemple, est très forte, nous pouvons et devons nous permettre de l´exprimer de façon très forte. Sans cela, le mieux-être ne peut survenir, puisque cela signifie qu´à un moment donné, le mental est intervenu en nous expliquant que nous ne pouvons « étrangler celui qui nous a fait mal afin qu´il se taise« ; car cela n´est pas bien et ne ous a pas été appris. Nous sommes absolument d´accord que cela ne se fait pas et ne doit pas se faire, mais cela peut se vivre virtuellement, ce qui apporte un soulagement immédiat. C´est ce qu´a réussi à vivre Brigitte après s´être autorisée, lors d´un stage OGE, à « tuer » virtuellement son mari. Certes, cela ne fut pas facile, car son mental revenait à la charge en lui disant qu´elle ne pouvait pas, n´avait pas le droit de faire cela à un homme qu´elle aimait et avait choisi comme mari, qu´elle ferait mieux de lui pardonner plutôt que de s´évertuer à vivre sa colère envers lui, etc. Mais quelque chose en elle, quelque chose de plus fort que son mental, l´a poussée à vivre sa colère et son soulagement fut très grand d´avoir pu l´exprimer. Rentrant du stage, elle a pu avoir un échange réel avec son mari et mettre les points sur les i de façon ferme, sans colère et dans l´ouverture.
Exprimer son émotion est un acte d´Amour envers soi même: il permet à celui qui souffre de se sentir mieux et souvent de guérir. Cela est une réalité et de nombreuses personnes s´étant autorisées à le vivre peuvent en témoigner. Mais ce qu´il est intéressant de noter est le fait suivant: lorsque je leur demande si elles ont pardonné à l´autre le mal qu´il leur a infligé, la plupart des personnes sont intriguées par cette question saugrenues et celles ou ceux qui ne le sont pas me disent que « le pardon est bien entendu présent ». Pourquoi ces deux types de reaction qui sont en réalité les mêmes ? Lorsque nous nous autorisons à ressentir et à vivre une émotion, nous nous apportons le respect de nous mêmes et par conséquent de l´Amour. Ce faisant, nous nous mettons en état d´ouverture à l´autre aussi. L´Amour ne peut générer la haine, l´intolérance ni le meurtre. Il ne génère que de l´Amour. C´est la raison pour laquelle les personnes qui ont exprimé leur colère sont naturellement dans l´Amour d´elles-mêmes et voie de conséquence des autres, qu´ils leur aient fait du mal ou non… Nous constatons que la démarche est de se « pardonner à soi même tout d´abord » afin de pouvoir se trouver en état de pardonner à l´autre. Ce pardon à soi-même vient de façon naturelle, lorsque nous nous autorisons à ressentir puis à vivre notre émotion, en ayant éteint préalablement notre mental. Nous constatons que le fait de se libérer du jugement porté sur soi-même (qui nous empêche alors de ressentir ou d´exprimer l´émotion nous permet de reconnecter avec notre noyau fondamental, avec la partie divine qui se trouve en nous mêmes. C´est vécu comme une libération. Cette démarche empreinte d´Amour débouche vers un bien-être réel et effectif qui va permettre de se mettre en état d´ouverture à l´autre. »
Ainsi conçoit le Dr Daniel Dufour le pardon. Cet ouvrage n´a évidemment pas pour objet principal le pardon. J´ai choisi de reproduire le chapitre consacré à ce sujet parce que je crois que c´est une thématique qui nous concerne tous: nous avons tous, à un moment ou un autre, été encouragés par la Société (nos parents, nos professeurs…) à demander pardon ou à devoir « pardonner » ou pas! Dans cette situation, notre corps s´est manifesté: les tensions sont apparues, elles couvrent la tristesse ou/et la colère car les événements survenus nous ont déplu et la déception est telle vis à vis des personnes à qui nous accordions notre confiance que nous avons envie de les envoyer bouler mais les convenances nous en empêchent! Nous pouvons avoir vraiment envie de les « tuer » bien que notre mental soit conscient que ce n´est pas réalisable! Alors pensez vous que vivre virtuellement l´acte de violence qui est enfoui en nous soit réellement efficace ?
Quelle est la place que prennent les émotions dans notre existence ? Souvent on s´efforce de les contrôler: on est gêné de pleurer en public; on nous reproche de nous énerver…toutes ces réactions semblent mal vues! Est-ce négatif d´exprimer ses émotions ? Pensez vous comme le docteur Dufour qu´il faille évacuer ses émotions en privé ?